CRITIQUE SONORE


LES YEUX AUSSI NOIRS QU’UN CIEL ENTRE DEUX CIELS
Texte et  pièce sonore (16’) réalisé·es en collaboration avec Prune Phi

Présentée du 24 octobre au 4 novembre 2023 au Floréal Belleville dans le cadre de son solo show “Today didn’t happen yet”, commissariat Lara Ossipovki 

"J'ai vraiment envie de poursuivre la piste que tu as évoqué hier, celle des paroles échangées entre nous à distance dans la nuit. Je crois qu'il y a là un point de jonction entre nos pratiques, dans ces tentatives de connexions/traductions/communications entre des personnes séparées par des espaces-temps (et du coup espaces mentaux) qu'elles essaient de rapprocher par ces tentatives, sans jamais y parvenir tout à fait. La fête/la nuit, en ce sens, devient un moment où les sens et le rapport à soi sont configurés différemment, offrant un possible à cette tentative de rapprochement, ne serait-ce qu'en soi, en pensées."
extrait de mail de Samuel à Prune



Pour Today didn't happen yet, Samuel Belfond et Prune Phi font l'expérience de la distance, de la nuit et sa narration en s'écrivant les soirs de fêtes sur whatsapp entre Paris et Marseille. À distance, iels évoquent ce qui fait leur nuit et la défait.  Les fragments de textes sont l'écho de ce que Prune Phi évoque dans ses collages : la nuit, la fête, la séparation, l'absence et comment lui donner forme.

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Texte 

L’heure des moustiques de la tombée de la nuit est passée et les fenêtres éclairées sont ré-ouvertes


J'ai l'impression d'avoir perdu quelque chose en arrivant ici



Je regrette d’avoir pris ma veste, il fait chaud, je transpire déjà


Les murs sont pareils mais peut-être qu'on a vieilli plus qu'eux


Elle performe des baisers au rouge à lèvre sur un miroir


J'espère que c'est mieux toi


Elle voulait m'embrasser samedi dernier alors les bruits résonnent différemment à chaque fois qu’ils atteignent sa réflexion


L'impression d'être au plus loin du sensuel, du sensible aussi


Je me demande s’il lui en restera quelques uns après tout ça ou si ses lèvres seront engourdies


L'impression de réfréner encore, aussi, ce que je peux partager


En parlant de pisse, Nadjib, rencontré dans la queue pour y aller, me dit que mon prénom est sucré et que la moodring pendue à sa chaîne en argent est destinée à la femme de sa vie


L’impression d'une soirée pour du beurre


Emoji dégoût


Et la sensation de devoir en partir


Écouter son corps, quand il ne peut plus, quand il atteint sa limite


Peut être au moment où tu te sens décoller complètement de la soirée


Qu’il n’est presque plus


Comme si c'était irrémédiable


Parfois ce sont des mecs dans la queue des toilettes qui me donne envie de ne plus en être


Comme si tu devenais de trop


Mais heureusement ce soir je suis entourée de corps solaires


Et l'impression de ne pas vouloir gâcher la joie des autres

Encombrant


***


Désolé pour le silence radio hier, j'ai un peu rage quit ma fin de semaine



J’étais aussi en silence radio hier, donc nos silences s’annulent


Ça me rassure vraiment, ton message, et merci d'avoir verbalisé ça


Le sol de l'étage vibre, j’aime bien cette sensation


Ça me rappelle une histoire cet été, quand il essayait de dormir alors que sa tente était au dessus du son


Il m’a fatigué avec un tunnel de conversation sur lui et sa biographie à rallonge. Sans me poser une seule question. Ce genre de conversation unilatérale où il n’y a pas de place


L’eau me garde en vie


On m’a dit que mes yeux étaient aussi noirs qu’un ciel entre deux ciels


Et toi ?